Miroir des classiquesFrédéric Duval et Françoise Vielliard
A. Les précurseurs
L’intérêt pour les traductions médiévales des classiques s’est éveillé dans le cours du XIXe siècle1 chez des chartistes qui y sont venus par l’étude des manuscrits. Ces
découvreurs de manuscrits ont pris progressivement le contre-pied des idées reçues qui transparaissent encore au
milieu de ce siècle :
« Le Moyen Âge est une époque de ténèbres : la noblesse se fait gloire de son ignorance, le peuple n’est
rien, les clercs seuls ont conservé quelques restes de science : c’est un latin incorrect et barbare,
instrument de la nuageuse scolastique ; ce sont de rares manuscrits d’auteurs anciens, épaves mutilées
dont les gardiens jaloux voudraient interdire la traduction. »2
On rappellera que la synthèse fondamentale de Paul Meyer [promotion 1861] sur les premières compilations
d’histoire ancienne a comme point de départ l’analyse détaillée du manuscrit fr. 23083 de la Bibliothèque
nationale de France pour les Faits des Romains et du manuscrit fr. 246 pour l’Histoire
ancienne jusqu’à César.
- Paul Meyer, « Les premières compilations françaises d’histoire ancienne », dans
Romania, t. 14, 1885, p. 1-85.
On lui doit aussi le premier essai de recensement des traductions de Végèce
- Paul Meyer, « Les anciens traducteurs français de Végèce et en particulier Jean de
Vignay », dans Romania, t. 25, 1896, p. 401-408.
Enfin nombre des notices de manuscrits qu’il a établies, publiées dans Romania, dans le
Bulletin de la Société des anciens textes français ou dans les Notices et extraits des
manuscrits des bibliothèques publiques de France constituent, encore aujourd’hui, quelquefois
l’unique documentation publiée sur les textes qu’ils contiennent.
L’étude du manuscrit 590 de Chantilly a fourni à Léopold Delisle [promotion 1849] la matière d’une synthèse sur
Jean d’Antioche, traducteur de la Rhétorique de Cicéron :
- Léopold Delisle, « Notice sur la rhétorique de Cicéron, traduite par Maître Jean
d’Antioche, ms. 590 du Musée Condé », dans Notices et extraits des manuscrits des
bibliothèques publiques de France, t. 36, 1899, p. 1-63.
- Léopold Delisle, « Maître Jean d’Antioche, traducteur et frère Guillaume de Saint-Étienne,
hospitalier », dans Histoire littéraire de la France, t. 33, 1906, p. 1-40.
On doit aussi à Delisle le premier inventaire des traductions de la Consolation de Boèce :
- Léopold Delisle, « Anciennes traductions françaises de la Consolation de Boèce conservées
à la Bibliothèque nationale », dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. 34, 1873,
p. 5-32.
Et on n’oubliera pas que ses Recherches sur la librairie de Charles Vfondent encore aujourd’hui
les études d’ensemble sur les traducteurs de Charles V :
- Léopold Delisle, Recherches sur la librairie de Charles V, 2 vol., Paris, 1905.
Voir en particulier les notices sur les traducteurs (Denis Foulechat, Jacques Bauchant, Jean Corbechon, Jean
Daudin, Jean Golein, Nicole Oresme, Raoul de Presles, Simon de Hesdin, Anonymes), t. I, p. 82-1193.
Antoine Thomas [promotion 1879], ainsi que Robert Bossuat [promotion 1914] sont représentatifs de cette
tradition d’étude des traductions, dans laquelle s’inscrivent aussi nombre de thèses d’École des chartes dont
une partie est restée inédite.
- Antoine Thomas, « Anonyme italien, auteur d’une traduction française des
Lettres de Sénèque à Lucilius », dans Histoire littéraire de la
France, t. 35, 1921, p. 633-635.
- Antoine Thomas, « Traductions françaises de la Consolatio philosophiæ de
Boèce », dans Histoire littéraire de la France, t. 37, 1938, p. 419-470 (complété
par Mario Roques, sur la traduction de Renaud de Louhans, ibid. p. 470-488).
-
La somme du Code, texte dauphinois de la région de Grenoble, publié d’après un manuscrit du
XIIIe siècle appartenant à la Bibliothèque du château d’Uriage par Louis Royer et Antoine Thomas, Paris,
1929.
- Robert Bossuat, « Anciennes traductions françaises du De officiis de
Cicéron », dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. 96, 1935, p. 246-284.
- Robert Bossuat, « Jean Miélot, traducteur de Cicéron », dans Bibliothèque de
l’École des chartes, t. 99, 1938, p. 82-124.
- Robert Bossuat, « Traductions françaises des Commentaires de César à la fin
du XVe siècle », dans Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. 3, 1943, p.
253-411.
- Robert Bossuat, « Vasque de Lucène, traducteur de Quinte-Curce (1468) », dans
Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. 8, 1946, p. 197-246.
- Robert Bossuat, « Jean de Rouvroy, traducteur des Stratagèmes de
Frontin », dans Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. 22, 1960, p. 273-286 et
469-489.
- Robert Bossuat, « Raoul de Presles », dans Histoire littéraire de la
France, t. 40, 1974, p. 113-186.
Thèses pour l’obtention du diplôme d’archiviste paléographe soutenues avant 1955 et concernant des traductions
d’auteurs classiques ou portant sur des compilations historiques ayant largement utilisé des auteurs classiques
:
- Omer Vaudoir-Lainé, « Virgile, ses transformations et sa légende au Moyen Âge »,
résumé dans École nationale des chartes. Positions des thèses…1868-1869, p. 33-38.
- Léopold Pannier, « Pierre Bersuire et sa traduction de Tite-Live considérée comme monument
de la formation savante de la langue française au XIVe siècle » résumé dans École nationale
des chartes. Positions des thèses…1869, p. 57-63 ; en partie publié : « Notice
bibliographique sur le bénédictin Pierre Bersuire, premier traducteur français de Tite-Live », dans
Bibliothèque de l’École des chartes, t. 33, 1872, p. 325-364.
- Lucien Lécureux, « Étude sur la Bouquechardière de Jean de Courcy »,
résumé dans École nationale des chartes. Positions des thèses…1909, p. 79-86.
- Henri Vallet, « La culture classique dans Raoul de Praelles, d’après sa traduction avec
commentaire de la Cité de Dieu de saint Augustin », résumé dans École
nationale des chartes. Positions des thèses…1913, p. 99-102.
- Félix Olivier-Martin, « Les Institutes de Justinien en français. Texte
critique publié avec une introduction », résumé dans École nationale des chartes. Positions
des thèses…1927, p. ; publié : Les Institutes de Justinien en français, traduction anonyme
du XIIIe siècle. Texte critique publié avec une introduction, Paris, 1935 (Société
d’Histoire du droit).
- Jeannine Bordas, « L’Art d’amour, traduction en prose de l’Ars
amatoria d’Ovide », résumé dans École nationale des chartes. Positions des
thèses…1954, p. 15-17.
- Danielle Gallet-Guerne, « Le Traité des faiz et haultes prouesses de Cyrus
par Vasque de Lucène, d’après Xénophon », résumé dans École nationale des chartes. Positions
des thèses…1957, p. 79-82 ; publié : Vasque de Lucène et la Cyropédie à la cour de
Bourgogne (1470). Le traité de Xénophon mis en français d’après la version latine du Pogge. Édition des
livres I et V, Genève, 1973 (Travaux d’Humanisme et Renaissance, 140).
Notes
On trouvera un historique des études sur les traductions médiévales remontant au XVIIIe siècle sous la plume
de François Bérier, dans La littérature française aux XIVe et XVe siècles, t. 8, vol. I
(partie historique) du Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, Heidelberg,
1988, p. 219-265 « La traduction en français », part. Historique des
études, p. 219-220.
Frédéric Hennebert, Histoire des traductions françaises d’auteurs grecs et latins pendant le XVIe
et le XVIIe siècles, Bruxelles, 1861, p. 12.
La
documentation réunie par Delisle a été exploitée par Serge Lusignan dans le chapitre IV « Le
mouvement des traductions au XIVe siècle et la définition du français comme langue savante », de son
livre Parler vulgairement. Les intellectuels et la langue française aux XIIIe et XIVe siècles,
Paris, 1986 et dans « La topique de la translatio studii et les traductions
françaises de textes savants au XIVe siècle », dans Traductions et traducteurs au Moyen
Âge. Actes du colloque international du CNRS organisé à Paris, Institut de recherche et d’histoire
des textes, les 26-28 mai 1986. Textes réunis par Geneviève Contamine, Paris, 1989, p. 303-315.