A. Les précurseurs

L’intérêt pour les traductions médiévales des classiques s’est éveillé dans le cours du XIXe siècle1 chez des chartistes qui y sont venus par l’étude des manuscrits. Ces découvreurs de manuscrits ont pris progressivement le contre-pied des idées reçues qui transparaissent encore au milieu de ce siècle :

« Le Moyen Âge est une époque de ténèbres : la noblesse se fait gloire de son ignorance, le peuple n’est rien, les clercs seuls ont conservé quelques restes de science : c’est un latin incorrect et barbare, instrument de la nuageuse scolastique ; ce sont de rares manuscrits d’auteurs anciens, épaves mutilées dont les gardiens jaloux voudraient interdire la traduction. »2

On rappellera que la synthèse fondamentale de Paul Meyer [promotion 1861] sur les premières compilations d’histoire ancienne a comme point de départ l’analyse détaillée du manuscrit fr. 23083 de la Bibliothèque nationale de France pour les Faits des Romains et du manuscrit fr. 246 pour l’Histoire ancienne jusqu’à César.

On lui doit aussi le premier essai de recensement des traductions de Végèce

Enfin nombre des notices de manuscrits qu’il a établies, publiées dans Romania, dans le Bulletin de la Société des anciens textes français ou dans les Notices et extraits des manuscrits des bibliothèques publiques de France constituent, encore aujourd’hui, quelquefois l’unique documentation publiée sur les textes qu’ils contiennent.

L’étude du manuscrit 590 de Chantilly a fourni à Léopold Delisle [promotion 1849] la matière d’une synthèse sur Jean d’Antioche, traducteur de la Rhétorique de Cicéron :

On doit aussi à Delisle le premier inventaire des traductions de la Consolation de Boèce :

Et on n’oubliera pas que ses Recherches sur la librairie de Charles Vfondent encore aujourd’hui les études d’ensemble sur les traducteurs de Charles V :

Voir en particulier les notices sur les traducteurs (Denis Foulechat, Jacques Bauchant, Jean Corbechon, Jean Daudin, Jean Golein, Nicole Oresme, Raoul de Presles, Simon de Hesdin, Anonymes), t. I, p. 82-1193.

Antoine Thomas [promotion 1879], ainsi que Robert Bossuat [promotion 1914] sont représentatifs de cette tradition d’étude des traductions, dans laquelle s’inscrivent aussi nombre de thèses d’École des chartes dont une partie est restée inédite. 

Thèses pour l’obtention du diplôme d’archiviste paléographe soutenues avant 1955 et concernant des traductions d’auteurs classiques ou portant sur des compilations historiques ayant largement utilisé des auteurs classiques :

Notes

1 On trouvera un historique des études sur les traductions médiévales remontant au XVIIIe siècle sous la plume de François Bérier, dans La littérature française aux XIVe et XVe siècles, t. 8, vol. I (partie historique) du Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, Heidelberg, 1988, p. 219-265 « La traduction en français », part. Historique des études, p. 219-220.

2 Frédéric Hennebert, Histoire des traductions françaises d’auteurs grecs et latins pendant le XVIe et le XVIIe siècles, Bruxelles, 1861, p. 12.

3 La documentation réunie par Delisle a été exploitée par Serge Lusignan dans le chapitre IV « Le mouvement des traductions au XIVe siècle et la définition du français comme langue savante », de son livre Parler vulgairement. Les intellectuels et la langue française aux XIIIe et XIVe siècles, Paris, 1986 et dans « La topique de la translatio studii et les traductions françaises de textes savants au XIVe siècle », dans Traductions et traducteurs au Moyen Âge. Actes du colloque international du CNRS organisé à Paris, Institut de recherche et d’histoire des textes, les 26-28 mai 1986. Textes réunis par Geneviève Contamine, Paris, 1989, p. 303-315.