École des chartes » ELEC » Cartulaires d'Île-de-France » Saint-Martin-des-Champs » Tome 1 » V. — Actes concernant Saint-Martin-des-Champs prieuré de Cluny, sous le règne de Philippe Ier » 1102

Heugaud, abbé de Marmoutier, cède la terre d'Oustreville, près du Puiset, à Saint-Martin, afin d'apaiser les différends entre leurs monastères concernant l'église de Gouillons et le siège même du prieuré ; il accepte le jugement rendu au sujet de l'église du Puiset par le pape Urbain II et Ives de Chartres.

  • A Original perdu.
  • B Copie de 1130, Bibl. nat. de Fr., ms. lat. 10977, Liber Testamentorum, fol. 13, nº 29, incomplète des trois passages entre crochets.
  • C Copie de 1209, Arch. nat., LL 1351, fol. 94, collationnée, à l'époque de la rédaction même, comme le prouvent de nombreux grattages ; non collationnée au xviie siècle.
  • a Recueil des chartes et documents de l’abbaye de Saint-Martin des Champs, monastère parisien, éd. Joseph Depoin, Ligugé, 1913-1921.
D'après a.

In nomine sanctæ et individue Trinitatis, congregata omnis novit Aeclesia, Dei filium, unam in eadem sancta Trinitate personam, gratia humane reconciliationis, carnem assumpsisse, et discipulis suis in terra pacem tenendam mandasse, et in discessu corporalis presentiæ pacem eis reliquisse, pacem dedisse, et per sanguinem Crucis suæ, sicut ait Apostolus, « que in cælis et que in terra sunt pacificasse ».

Si igitur veraciter ejus discipuli sumus, pacis et unitatis vincula illibata conservare debemus.

Hujus vero tam saluberrime atque excellentissime auctoritatis consideratione permotus, ego frater Hilgodus, Majoris monasterii abbas251, et fratres nostri, Majoris monasterii filii, , causa auferende discordie que inter fratres nostros, Majoris monasterii monachos, et monachos Sti Martini de Campis, de parrochia Puteacensi diu extiterat, quamnostri monachi aliquanto tempore, licet non quiete, tenuerant, tamdem vero, monachis Sti Martini de Campis reclamantibus, per manum domni Urbani pape252, in presencia domni Ivonis, Carnotensis episcopi, judiciario ordine eis adjudicata fuerat, causa videlicet illius auferende discordie, et gratia pacis inter utrosque in perpetuum conservande, in recompensatione ejusdem parrochiæ, sopitis in primum omnibus calumpniis que inter nos et eos erant, de æcclesia scilicet de Goillo114 et de corpore monasterii Sti Martini de Campis, terram quam apud Australem villam253 quæ est ante Puteacium habebamus, eis in perpetuum possidendam concessimus et de eadem terra domnuma Hugonem, sicut nobis erat, advocatum tradidimus, nobis deinceps ab omni inquietudine liberisb ; per singulos etiam annos viginti solidos Aurelianensis monete pro eadem recompensatione apud Carnotum, in domo nostra, persolvere statuimus. Si vero suprascriptus census termino prestituto, aliqua incuria, persolutus non fuerit, fratres nostri Puteacenses nunquam inde inquietabunt. Condiximus etiam ut Puteacensibus parrochianis, vel apud Puteacium vel apud Hienvillam [indifferenterc, nusquam vero alibi], liceat sepeliri. Servis vero Regis nunquam, nisi apud Hienvillam sicut antea consuetudo fueratd liceat sepeliri [licet viventes ecclesie nostre parrochiales redditus debeant. Mortuos vero, apud Hienvillam sepeliendos, tam illos quam ceteros parrochianos, presbiter noster usque ad crucem que est ad Ulmos cum processione sua deferet ; presbiter autem de Hienvilla ibidem eos suscipiet]. Licebit etiam presbitero de Hienvilla6, si forte invitatus fuerit ab infirmo parrochiano Puteacensi, priusquam presbiter noster, parrochiani more, eum visitaverit et penitentiam dederit et communicaverit, licebit, inquam, ei eundem infirmum visitare, et consilium secundum Deum dare, et beneficium ab eo accipere. Si autem in suburbio ejusdem castri, aliqua de causa, ecclesia constructa fuerit, monachorum nostrorum quieta remanebit. Ut autem conventio ista firma et inconcussa permaneat, sigillo Bti Martini eam adnotandam censuimus, et manu propria subscripsimus.

S. Hilgodi abbatis.

Huic autem concordie, primum apud Puteacium. prestitute, interfuerunt : Ex parte monachorum Sti Martini de Campis, Tetbaudus subprior, Arnadus, Robertus et alii.


251 Heugaud (ou Hilgot), qui avait exercé les fonctions épiscopales, à Soissons, de 1085 à 1087, s'étant retiré à Marmoutier, fut élu abbé à la mort de Bernard (7 avril 1100) ; il mourut le 10 août 1104 (Cf. Gallia, XIX, 212, qui donne à tort la date de 1081 pour la résignation de l'épiscopat).
252 Urbain II étant mort depuis le 29 juillet 1099, il faut admettre que le jugement du Pontife fut rendu sous le prédécesseur d'Heugaud, très probablement lors du séjour d'Urbain II en France en 1096, en présence de saint Ives, évêque de Chartres. Le Pape consacra l'église de Marmoutier le 10 mars et confirma les privilèges et les possessions de Saint-Martin-des-Champs, le 14 juillet de cette année. (Jaffé-Wattenbach, Regesta Pontificum Romanorum, I, 685, 689).
114 Gouillons, ca. Janville, ar. Chartres.
253 Oustreville, éc. Angerville, ca. Méréville, ar. Étampes, situé avant le Puiset, sur la route de Paris à Orléans.
a C. domam.
b C. libris.
c B. indiscrete.
d B. erat.

6 Ansoud Le Riche de Paris fut un des quatre signataires habituels des premiers diplômes émanés de Robert II, fils de Hugues Capet, avec les comtes Bouchard de Corbeil et Hugues de Dreux et le vicomte Hugues de Meulan (Robert de Lasteyrie, Cartul. gén. de Paris, t. I, pp. 97, 101, 112 ; cf. Longnon, Recherches sur une famille noble dite de Paris, Bull. de la Soc. de l'Hist. de Paris, sept.-oct. 1879, p. 132). On le rencontre de 995 à 1006.

Nous le considérons comme fils d'un autre Ansoud, que les Gestes des évêques d'Auxerre disent avoir été mari de Raingarde et père de Jean, titulaire de ce siège de 994 au 21 janvier 998. II y succédait à Herbert, enfant naturel du duc Hugues et de sa maîtresse Raingarde, qu'il semble difficile de ne pas identifier avec la femme du premier Ansoud. Herbert fut évêque d'Auxerre de 968 au 13 août 994. Jean, son successeur, fut un disciple de Gerbert (Bouquet, Rec. des Hist. de France, X, 170), donc un condisciple du roi Robert, fils de Hugues Capet, et de Lierri, archevêque de Sens (Coll. Baluze, t. 45, p. 149, d'après la Chronique de Jean de Saint-Victor), qui siégea de l'an 1000 au 26 juin 1032.

Auguste Longnon fut bien inspiré en identifiant Ansoud Le Riche de Paris avec le mari de Reitrude, donateur de Fourches et de Limoges-en-Brie à la collégiale de St-Denis de la Châtre. En effet, dès juin 990, une charte de Cluny, datée de Vitry-en-Mâconnais, tout près du monastère, constate la vente au prêtre Gerbaud d'un champ dans cette localité par « Ansalt et uxor sua Rotrudis qui vendicione ista fierint et firmare rogaverunt » (Bruel, Chartes de Cluny, t. III, p. 70). Le couple Ansoud-Reitrude était formé dès 990, dès lors l'identification proposée acquiert une extrême vraisemblance.

Ansoud Le Riche, tige de la maison de Maule, déclare dans une charte qu'il a pour ancêtres Ansoud et Guérin, bienfaiteurs, comme lui, de l'abbaye de St-Evroult d'Ouche (Orderic Vital, éd. Le Prévost, t. II, p, 451). Le premier peut être le mari de Reitrude et le second, Guérin qualifié « baron " dans un diplôme du roi Robert, et dans un autre du même roi en 1022 " Guarinus miles Parisiensis » (Bouquet, Rec. des Hist. de France, X, 607) ; il vivait en 1031, avec sa femme Hersende, qui lui apporta le domaine d'Antony (Poupardin, Recueil des chartes de St-Germain-des-Prés, t. I, pp. 78-80).