École des chartes » ELEC » Cartulaires d'Île-de-France » Saint-Martin-des-Champs » Tome 2 » XI. — Actes concernant Saint-Martin-des-Champs sous le règne de Louis VII (1137-1180) » 14 décembre 1154 — 24 octobre 1157

Thibaud, évêque de Paris, confirme au prieuré de Gournay-sur-Marne tout ce qui, dans l'étendue de son fief, a été concédé aux moines par le vénérable comte de Meulan, Galeran II et sa femme Agnès, par Agnès de Livry et par Hugues de Montjay.

  • A Original jadis scellé, Arch. nat., S 1417, nº 77.
  • B Copie de 1223, Arch. nat., LL 1397, fol. 17, collationnée à l'original « e quo sigillum, olim sub duplici cauda coriacea adpendens, excidit. »
  • a Recueil des chartes et documents de l’abbaye de Saint-Martin des Champs, monastère parisien, éd. Joseph Depoin, Ligugé, 1913-1921.
D'après a.

Notum sit omnibus p. et f. quod ego T[eobaldus] Dei gratia Parisiensis episcopus concessi monachis de Gornaio ea que venerabilis comes Mellentensis Galerannus et uxor ejus Agnes eisdem monachis in elemosinam dederunt de feudo nostro359, scilicet decimas omnium denariorum suorum de Gornaio et de Cauda253 et de Torci285 et de Braia et de Villa nova et de toto honore pertinente ad Gornaium et ad Caudam ; et similiter omnes decimas omnium bladorum suorum de eodem honore in molendinis et in omnibus redditibus, et decimam vini de Villanova et de tribus modiis vini de Torci285. Insuper decimam tocius redditus quod Parisius habent, necnon medietatem duorum molendinorum quos apud Gornaium habent. Consuetudinem etiam veniendi apud molendinos, ab hominibus de Gornaio et de Gagniaco345 sicut in carta comitis continetur. Si vero prefatis monachis complacuerit, licebit eis unum aut plures molendinos, quocumque loco voluerint, facere, et eos quos prediximus, ubicumque voluerint transferre, ita tamen quod firmitas castelli conservetur. Insuper monasterium de Cauda et furnum ejusdem oppidi, post decessum Adalaisie uxorisa Guidonis Apri. Preterea venditionem terre quam fecit eis Ulricus portitor apud Caudam et vque solidos census quos idem Ulricus pro eadem terra prefato comiti persolvebat. Piscatoriam etiam quam idem comes prefatis monachis donavit, et censum quem eis domina Agnes de Livriaco358 donavit apud Russiacum64, quam donationem postea concesserunt filii ejusb Gill. 358 et Robertus, coram testibus. Preterea elemosinam que facta fuit pro Hugone de Montegaio quam fecerunt heredes ejus consilio et assensu domni Stephani de Garlanda, scilicet dimidium modium annone, medietatem frumenti et medietatem molturengie, de molendinis de Duverac. Hec igitur omnia ut futuris temporibus inconcussa et rata permaneant, privilegii nostri auctoritate et sigilli nostri impressione firmavimus.


359 Au rebours de la précédente, beaucoup plus étendue, du 13 octobre 1147 (nº 300), cette charte de Thibaud, dont nous possédons l'original, n'est en aucune façon un document ecclésiastique. Il ne comporte ni préambule dévot, ni sanction religieuse. C'est un acte féodal, homologuant d'autres contrats purement civils. La question de savoir s'il pourrait s'agir du « fief de l'évêché de Paris » ne se pose même pas : il suffirait de lui opposer les termes du privilège de Girbert, en 1123, qui se place à l'unique point de vue d'une constatation des droits acquis par l'église Notre-Dame de Gournay, du chef de donations antérieures et de confirmations royales (nº 165, t. I, p. 263). Si Thibaud prend ici, dans l'intitulé, le titre d'évêque de Paris, c'est une simple affirmation d'identité ; il agit si bien en son nom personnel qu'il ne fait appel au concours, ne fût-ce que comme simple témoin, d'aucun membre de son chapitre : ce que son devancier avait au contraire observé en consacrant un démembrement de fief épiscopal (nº 163, t. I, p. 261).

La formule qu'emploie le prélat est celle d'une concession : « concessi... que... comes Mellentinus et uxor ejus... dederunt de feudo nostro. » Mais ce ne sont pas seulement les propriétés transmises par Agnès de Garlande à sa fille et à son gendre qui dépendent du fief de Thibaud ; le cens de Roissy, donné par Agnès de Livry, veuve de Guillaume II de Garlande, une rente en farine venant de Hugues de Montjay, vassal d'Etienne de Garlande (un autre grand-oncle d'Agnès, comtesse de Meulan), sont encore au nombre des dépendances de ce fief. L'autorité féodale de Thibaud s'exerce sur des biens venant de la souche des Garlande et sur d'autres venant de la maison de Rochefort. Il appartient donc à celle-ci, et on est amené à voir en lui un frère d'Agnès, dame de Montfort, un fils d'Anseau de Garlande qui, par suite d'inaptitudes physiques au métier des armes, ou pour des considérations politiques qui se produisirent au moment de la disgrâce des siens, est entré dans le cloître où s'était réfugié son oncle Hugues de Crécy. Plus tard l'influence de ses neveux Simon d'Evreux et Galeran de Melan, et de Hugues lui-même, ainsi que les anciennes attaches de sa famille, auront contribué à amener Thibaud sur le siège de Paris occupé moins d'un demi-siècle auparavant par l'oncle de son beau-frère, Guillaume, frère de la fameuse Bertrade de Montfort.

La législation excluait les moines de tout exercice d'un pouvoir féodal ; mais en quittant la vie claustrale pour entrer dans le clergé séculier, Thibaud avait repris tous ses droits : une part de l'héritage de son père devait lui revenir, au moins à titre d'usufruit. Son oncle, l'archidiacre de Paris, Etienne de Garlande, avait bien administré la châtellenie de Gournay comme tuteur de la future comtesse de Meulan. Etienne avait personnellement une puissance féodale, comme le prouve l'épisode de Hugues de Montjay, et il se peut que Thibaud fût autorisé à revendiquer son héritage.

L'existence du prénom de Thibaud dans la maison de Montlhéry, issue non pas en ligne directe, mais par alliance, de Thibaud Fil-Estoup, forestier de Robert-le-Pieux, est constatée par des textes qui font descendre une branche de seigneurs de Villeneuve d'un frère de Gui-le-Grand, Hugues, père de Thibaud-Payen. Il est donc naturel que ce prénom se soit transmis à un arrière-petit-fils de Gui-le-Grand par son fils Gui-le-Rouge.

253 Le 25 octobre 1145, commence la quinzième année de Louis VII à compter de son premier sacre. L'année pascale 1145 se termina le 30 mars 1146, veille de Pâques.
285 Champs-sur-Marne, Ferrières, Torcy, ca. Lagny, ar. Meaux.
345 Gagny, ca. Le Raincy, ar. Pontoise.
a Le copiste de B avait omis « Guidonis ».
358 Agnès, dame de Livry, est la veuve de Guillaume II de Garlande, frère du sénéchal Anseau. Celui-ci possédait la terre de Roissy, qu'il donna à Notre-Dame de Gournay (nos157, 165), et qu'il avait recueillie dans la succession de Gui le Rouge, son beau-père. Les cens dont jouissaient Agnès et ses fils provenaient sans doute de concessions faites par Anseau à son frère. C'est de la même façon qu'Agnès, fille de Guillaume II de Garlande, tenait en fief de Galeran II de Meulan, héritier d'Anseau, une part des revenus du péage perçu par les châtelains de Gournay (nº341). Il est expliqué, dans les lettres de Thibaud, qu'Agnès de Livry concéda ce cens de Roissy avec l'assentiment de ses fils Gill. (sic) et Robert. Plus tard nous retrouverons, dans des listes de témoins : « Willelmus de Garlanda, Robertus Malusvicinus, Drogo de Melio, fratres. " Le terme " frater » est employé couramment au xiie siècle pour « sororius " de même que " filius " pour " privignus ». La charte nº341 nous montre que Robert (Mauvoisin) est l'époux d'Agnès, fille homonyme d'Agnès de Livry.
64 Roissy, Pontault, ca. Tournan, ar. Meaux (lb., note 141).
b Gillebertus B.
c Devra B ; corrigé en « Duvera. »